La Colombe, De Duif

St. Willibrord de la fortresse, l'histoire d'une eglise cachée

Le bâtiment

Pour les catholiques d'Amsterdam, 1795 marque le timide début de leur émancipation. La domination seigneuriale a pris fin et la liberté religieuse a été reconnue par la république Batave. La paroisse de Saint Willibrord, fondée aux environs de 1692, est la première à profiter de ces changements. Cette année là, elle construit une église au bord du canal Prinsengracht. Jusqu'à cette date, ses services religieux - comme ceux de tous les autres groupes religieux non reconnus - avaient lieu dans une chapelle clandestine. Ces bâtiments n'avaient pas l'apparence d'une église et la plupart du temps, faute de numéro, on les désignait par le nom inscrit sur leur façade. La chapelle clandestine de la paroisse de Saint Willibrord se nommait 'La Colombe de la paix'. Elle était située au numéro 167 de la Kerkstraat (Rue de l'Eglise), à l'endroit où se trouve à présent le bureau de poste.

Cette chapelle s'avérant rapidement trop petite, on construit en 1857 l'église actuelle (qui est beaucoup plus grande) d'après les plans de l'architecte Theo Molkenboer, au même endroit que la précédente et en utilisant une partie des anciennes fondations. Les paroissiens continuent à utiliser le nom de la chapelle clandestine, chose qui était courante pour les églises nouvellement bâties. Insensiblement, 'La Colombe de la Paix' devint 'La Colombe'.

La façade sablée et le plan au sol sont de style néo-baroque et en font une exception parmi les monuments religieux du milieu du siècle dernier. Le plan au sol original est composé d'un octogone et d'un choeur et d'une nef construits en prolongement, avec nef collatérale et galeries. A l'intérieur du bâtiment, le visiteur peut admirer l'autel principal de style baroque avec baldaquin, la chaire richement sculptée et surtout l'orgue imposante, construite par M. Smits, un célèbre facteur d'orgue brabançon. C'est la plus grande des cinq orgues qu'il a construites au Nord des Pays-Bas. L'orgue, la façade et l'intérieur du bâtiment sont classés monument historique.

La paroisse

Début 1974, après plus d'un siècle d'existence florissante, l'église est fermée par les autorités ecclésiastiques. Un groupe de paroissiens, avec à sa tête la chorale et son dirigeant, refusent de ce soumettre à cette décision. Ils prennent la responsabilité de poursuivre les services religieux et deux prêtres se mettent à leur disposition. Tout continue donc comme par le passé, avec cependant une différence majeure: à partir de ce moment là, la paroisse de La Colombe est un groupe à structure démocratique.

La démocratisation de la communauté religieuse est alors poussée le plus loin possible. A partir de 1974, sa gestion est assurée par une assemblée générale. Tout le monde y est le bienvenu. Les conflits sont autant que possible résolus au cours de ces assemblées et les décisions sont prises à l'unanimité.

Ce n'est pas toujours faisable: en 1976, une discorde éclate entre les deux principales chorales et le reste de la communauté. Les premiers veulent faire de La Colombe un groupement à but musical et culturel dont le caractère religieux passerait au second plan. Les autres veulent justement que la paroisse conserve sa vocation religieuse, en souscrivant cependant à des manifestations culturelles et musicales. Les deux groupes ne parviennent pas à se mettre d'accord et une douzaine de membres du premier groupe quittent La Colombe.

Au cours des années qui suivent, la paroisse évolue encore et devient une église conventuelle à usage paroissial où le bénévolat fait loi. Si l'église a été fermée en 1974 suite à des difficultés financières, la nouvelle structure fait fondre ces problèmes comme neige au soleil. Tout le monde, sans exception, apporte gracieusement sa contribution. C'est la paroisse (avec l'aide de ses membres et ses propres moyens financiers) qui se charge de l'entretien du bâtiment et de l'orgue.

Bien qu'à l'origine, la paroisse soit catholique (chose qui transparaît dans les célébrations liturgiques), elle réunit à présent diverses traditions religieuses.

La liturgie

'Tout faire ensemble et par nous-mêmes': au fil des années, cette devise s'applique également à la liturgie dominicale, même si un prêtre est disponible pendant. La réunion liturgique hebdomadaire est très fréquentée. Elle prend progressivement des allures de cours captivants pendant lesquels les participants recherchent inlassablement de nouvelles manières de comprendre Dieu et l'Ecriture, les différentes traditions religieuses s'enrichissant les unes les autres. Progressivement, les participants savent de mieux en mieux exprimer en public ce que la lecture des Ecritures leur apporte. Ils réalisent que le chemin qu'ils ont pris a été tracé par une tradition séculaire et que cette manière d'aborder la religion laisse la place à la créativité et à d'autres points de vue que ceux qui sont dictés par la volonté divine. C'est donc de façon tout à fait naturelle que les membres de la paroisse décident d'officier eux-mêmes.

Au fil des années, pour grand nombre de participants, la symbolique du partage prend un tout autre sens. Outre leur ancienne relation individuelle avec Dieu, ils sont tous prêts à présent à tout partager avec leur prochain. Tous les participants prononcent ensemble les 'paroles de l'offertoire' et des questions théologiques comme 'Notre office a-t-il véritablement valeur de célébration eucharistique ?' ne se posent pas et sont laissées, si nécessaire, à l'appréciation de chacun.

L'officiant (il peut s'agir d'une femme ou d'un homme) n'a été ni ordonné ni nommé : il a été choisi par sa propre paroisse. L'élection annuelle des officiants est aujourd'hui une tradition.

Bien que tout tourne autour du culte dominical et que La Colombe veuille stimuler la foi et la conscience religieuse, la liturgie n'occupe pas la seule place importante. Pour beaucoup, La Colombe est une maison reconnaissable, une paroisse synonyme de chaleur et d'attention pour autrui.

Les derniers développements

Lorsqu'en 1974 un groupe de paroissiens de La Colombe a pris 'possession' de l'église après que la fermeture du bâtiment a été prononcée, il n'en est pas pour autant devenu le propriétaire légal, qui était toujours l'évêque d'Haarlem. Plusieurs tentatives pour acquérir le bâtiment restèrent infructueuses. Mais depuis peu, le problème a été résolu. En mai 1995, après des longues négociations, la Société de protection des monuments historiques d'Amsterdam a acheté le bâtiment et le presbytère attenant. Les paroissiens de La Colombe, qui sont l'un des actionnaires de cette société, ont l'assurance de pouvoir continuer à l'utiliser. On est donc enfin sorti d'une impasse vieille de vingt ans et l'on peut à présent envisager une restauration plus que nécessaire du monument.

Conclusion : adhérer à la paroisse religieuse La Colombe, c'est aussi prendre des engagements. Les conditions d'adhésion sont fixées dans les statuts de l'Association La Colombe. Un extrait des objectifs de la paroisse sera adressé sur simple demande à toutes les personnes intéressées. Bien entendu, La Colombe reste une église où, chaque dimanche à dix heure et demi, tout le monde est le bienvenu pour la célébration hebdomadaire.

Amsterdam 1998

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